2017.11.21 LPP La boucle des Lanches

Le 02/01/2018

Dans Archives des randos Les Pas Pressés 2015 à 2017

CHRONIQUE D’UN « PAS PRESSE »…

Sortie du mardi 21 novembre 2017

La boucle des Lanches

 

 

Par ce ciel clément, la balade ne pourrait qu’être belle ! C’est sans doute ce qu’ont pressenti nos marcheurs amateurs de soleil d’automne présents en nombre au départ pour 13 h. Il faudra alors prévoir sept véhicules pour emmener le groupe à Montagny-les-Lanches, parking du chef-lieu.

Objet du déplacement : circuit sur les hauteurs de la commune, présentant une modeste dénivellée d’environ 135 m : « cool » pour ces « aventuriers » en campagne albanaise !

Pas de balisage pour cette première partie de parcours (des bruits laissent entendre qu’on va remédier à cet état de fait…), mais le bon chemin de terre asséché nous amène, après le franchissement à gué de deux ruisselets, à sec hélas, les récentes averses n’ayant pas pallié cette longue période sèche de fin d’été, au croisement avec le circuit de Chapeiry, celui-ci répertorié.

Nous voici alors devant la première balise implantée au lieudit « Les Chavannes », et dès lors on va suivre d’abord une partie de route, puis le sentier de terre, plutôt humide, en partie nord de cette commune.

Au hameau des « Teppes Vertes », après la traversée de la route qui mène à Montagny par l’Ouest, on quitte Chapeiry pour poser le pied sur le vaste territoire de Marcellaz-Albanais.

Et là, sur ce trajet de petite route pentue, asphaltée, qui rejoint le hameau de Montmasson : nostalgie ! En effet, de lointains et joyeux souvenirs d’enfance ressurgissent… Ce tronçon, non asphalté à l’époque, en forte déclivité, dénommé « La Vie », glacé en hier, faisait la joie des écoliers d’alors, lesquels dévalaient « à fond la caisse » cette pente glissante à souhait, sur des luges de bois hétéroclites, ou l’unique « bob » bringuebalant, tout ce matériel de confection artisanale bien entendu.

Et c’est à celui qui irait le plus loin au bas de la descente ! Mais ensuite c’est en haletant qu’il nous fallait remonter le matériel, à dos, les cuisses rougies par le froid certes, mais quelles parties de joyeuses rigolades en ces compétitions, que l’écho relayait au loin sur la blanche campagne gelée. Car à cette époque de disette (c’étaient les années 40 !), en hiver on n’avait d’autre choix que celui de porter encore les « culottes courtes » au-dessus des longs bas de « laine » grossière, laquelle n’avait rien à voir avec le soyeux poil de l’« Angora », très inconfortable pour les peaux sensibles, dont celle du blondinet aux taches de rousseur que j’étais. Et cela tandis que les pieds étaient chaussés des lourds sabots à semelles de bois cloutées, souvent « ferrées ». Qu’à cela ne tienne, la joie de la glisse estompait ces inconvénients, et puis, connaissions-nous autre chose ?

Me vient ici à l’esprit une anecdote vécue, de ce temps-là, également. Cela se passait aussi en hiver, mais la piste enneigée se situait au Sud du village de Chapeiry, au bas de l’école.

Quel régal ces parties de luge au cours des récréations, sur ce sol enneigé damé par le froid. Or ce jour-là, la plus belle des luges était chevauchée par deux de nos plus intrépides camarades, lesquels faisaient alors partie des « grands », et tenaient à le démontrer. Allongés l’un sur l’autre, « à plat-ventre » sur le bolide (ainsi çà allait plus vite !), çà fonçait…

Et ce qui devait hélas arriver, arriva… L’unique arbre de « blosson » (poirier) malencontreusement placé là au milieu de la piste improvisée, servit de butoir à l’engin biplace lancé à toute vitesse… Et le casque de protection n’était pas connu ! Et bien sûr pas de S.A.M.U. non plus... Et alors la récréation fut instantanément terminée ! Et tristement je me souviens qu’un oreiller ensanglanté posé sur le pupitre d’écolier, servi, pour le reste de l’après-midi, de repose-tête au plus amoché des deux, à demi-conscient. Mais rassurez-vous : par la suite la victime, un peu trop téméraire, fit une brillante carrière d’instit ! Au moins il avait de quoi meubler ses souvenirs… Et il est toujours en vie le bougre ! Et c’est tant mieux.

Aujourd’hui, arrivés un peu poussivement en haut, ce petit bourg nous offre ses anciennes fermes coquettement rénovées, transformées en résidences, et l’on peut, d’ici déjà, jouir d’un beau point de vue sur le Semnoz, les massifs montagneux vers l’Est.

Plus loin, les anciennes constructions cèdent la place aux habitations récentes sur cette portion de route plane faisant face au Crêt de Saint-Sylvestre que domine son clocher, avec un panorama dégagé sur l’Albanais, les Bauges…

Le hameau de la Molière atteint, une petite halte s’impose sur ce site de « Jaibienbossé », place de « la Retraite Tranquille »… C’est ce que nous signalent les plaques apposées sur la clôture du parc, à l’entrée de cette coquette résidence idéalement située, par les propriétaires enjoués, apparemment très satisfaits de leur sort. A l’occasion, à la belle saison, n’hésitez pas à vous arrêter là devant un décor végétal qu’une profusion de « nains de jardin » égaye. Annie et Michel Tissot président l’association de « Shu No » (Chez Nous), groupe de patoisants de Marcellaz-Albanais.

En face, à notre droite, se présente le « Chemin des Lanches ». Il va nous falloir attaquer cette seconde rampe, qui sera aussi la dernière, par ce chemin de molasse creusé de profondes ornières, qui nous amène en lisière de forêt. Une autre pause se justifie ici, qui nous permet d’embrasser ce vaste panorama où se détache au loin « notre Tournette », et plus au nord, la chaîne enneigée des Aravis d’où émerge la Pointe Percée… Au sud, les Bauges.

Court cheminement sur ce sentier forestier ensuite, et nous voici arrivés au pied des installations bétonnées composant les réservoirs d’eau potable, propriété du « Syndicat Intercommunal des Eaux des Lanches ».

Créé en décembre 1945, son siège est à Chapeiry ; il regroupait six communes pour une population de 5 773 habitants (actuellement plus de 30 000 !) soit : Chapeiry, Etercy, Gruffy, Marcellaz, Montagny, Saint-Sylvestre.

En ces années difficiles de fin de cette décennie 1940-1950, sous l’influente ténacité, entre autres, du maire, bien épaulé par son équipe d’élus municipaux, de Chapeiry, la réalisation de l’adduction d’eau potable, devenue indispensable, représentait un projet ambitieux et conséquent. Il fallait assurer le captage d’une source sur la commune de Gruffy, au pied du Semnoz, laquelle, par gravité, alimenterait un réservoir construit ici-même, sur le point sommital de la colline des Lanches. Et de là, toujours par gravité, un réseau secondaire desservirait chaque hameau de la commune, de même qu’une partie des communes adhérentes. Un chemin carrossable au départ de Montagny, fut créé pour desservir ce lieu, celui-ci qu’on empruntera tout-à-l’heure.

Chantier d’autant plus ardu que la pelle mécanique n’existait pas encore. C’est donc manuellement que des équipes de terrassiers-tacherons durent réaliser les diverses tranchées pour enfouir à une profondeur de 0,80 à 1,0 m, les conduites de fonte, ceci en tous terrains. Un chiffre : s’agissant de la seule commune de Chapeiry, le réseau totalisait quelques onze kilomètres !

Dernièrement j’ai recueilli le témoignage d’un copain, alors acteur dans l’opération, lequel avant d’effectuer son service militaire, fut embauché là durant plus d’une année, et je me souviens très bien l’avoir vu à l’œuvre lors de la réalisation de la conduite desservant ma propre maison familiale : il avait donc 19 ans. Chantier de forçat : pour 1 m linéaire de tranchée creusée à la pioche et à la pelle, par tous les temps, il était rétribué 1 franc, et 0,80 pour le rebouchage ensuite.

Aussi quel progrès et quelle aisance lorsque, dans chaque foyer, l’eau arriva, tant à l’unique robinet au-dessus du récent évier, qu’à l’abreuvoir à l’étable. Jusque là, la plupart des habitations recueillaient l’eau nécessaire aussi bien pour l’alimentation des personnes et bétail, que pour la *toilette, par pompage dans un profond puits à margelle. Il était alimenté soit par la nappe phréatique, soit par les eaux de pluie s’écoulant des toits. Rares étaient les bassins avec l’eau courante. Pour ma part, en l’absence d’un tel équipement de confort, c’était la corvée d’eau au moins deux fois par jour jusqu’à la fontaine à l’air libre, distante d’une centaine de mètres, où s’ébattaient tritons, grenouilles, têtards !

En période de canicule, on disposait d’une autre fontaine avec eau fraîche d’origine souterraine celle-là, mais située à 200 m au bas d’une côte. On la puisait délicatement, avec parcimonie, pour la transborder dans la « bouille » à bretelles, qu’il fallait transporter, remplie, glaçant le dos. En période de sécheresse, les points d’eau tarissaient : pour abreuver le bétail, les paysans se rabattaient sur le « Marais des Dames », site aujourd’hui asséché, près duquel on est passé tout à l’heure, au bas de Montmasson. C’est alors dans un tonneau de bois monté sur essieu équipé de roues également en bois, cerclées de fer, qu’un attelage nonchalant de bœufs acheminaient l’indispensable liquide jusqu’à l’étable. Et sachant que les besoins quotidiens en eau pour une seule vache, nourrie au foin, en production laitière, peut atteindre 120 litres… ?

*Et revenons donc aux besoins pour la toilette ? Ben on n’avait guère le choix : c’était la cuvette ou la bassine, évidemment sans salle de bains ! Pour le luxe d’une douche, c’était au bout de 12 km à vélo, aux « Bains-douches municipaux », rue de la Gare à Annecy ! Inutile de dire que çà n’était pas la préoccupation quotidienne ni à la portée de tous.

Revenons à une actualité plus confortable !

Le réservoir-souvenir quitté, le choix se présentait entre, d’une part, poursuivre notre trajet sur ce bon chemin menant directement à Montagny, ou alors emprunter le sentier en forêt nous conduisant plus au nord. Le souhait de randonner le plus possible au soleil nous fit opter pour la première solution. Sans regret, car le parcours en légère pente descendante, très facile, nous fait bénéficier d’un beau point de vue embrassant, au-delà du village qui bientôt apparait, nos familières montagnes vers l’Est et le Sud.

Il n’est que 15 h 30 lorsque, satisfait de notre balade, nous posons le pied auprès de nos voitures.

Aussi allions-nous rentrer de suite ? Allons donc ! Suivez le guide, en voiture cette fois-ci. Direction « Les Eparris », puis « Impasse des Chènevis ». Là, entourée de nos « doyens », les amis Jean et Claire, notre toujours aussi empressée Mado, nous accueille, radieuse, sur le perron de sa demeure. Et là, croyez-vous qu’il soit possible de faire assoir une trentaine de randonneurs, sans bâtons heureusement, dans un salon de 20 m2 ? C’est cependant le tour de force qui fut réalisé en cette fin d’après-midi festive, autour de la grande table joliment garnie.

Ainsi c’est dans une joyeuse ambiance d’anniversaire que se terminait cette agréable journée de saison déjà bien avancée.

Merci à tous, avec une reconnaissance particulière à la maîtresse de céans qui, outre le gite, nous faisait savourer ses délicieuses bugnes, généreusement confectionnées.

Prochaine sortie : « l’Auberge du Clocher » à Saint-Félix, sans marcher !

E. P. /vm

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